RCF 9 avril 2021
A écouter sur : https://rcf.fr/embed/2587566
C’est la question qui saute au cœur quand on lit la proposition de loi sur l’euthanasie débattue hier à l’Assemblée nationale, et rejetée. Elle reviendra. On le sait déjà.
Cette loi intitulée « droit à une fin de vie libre et choisie », commençait ainsi : « Notre démocratie a su conquérir, une à une, toutes les libertés. Toutes sauf (..) celle de choisir sa mort ».
Parmi les éléments de langage figure donc en tête de proue : La liberté.
Qui ne chérit pas la liberté ? Cette liberté qu’on met justement douloureusement entre parenthèse depuis des mois au motif de…sauver des vies.
Mais quelle peut-être cette liberté qui, rien que pour se présenter, s’enrobe de mensonges et de guimauve ? Les mots « suicide assisté » ou « euthanasie » sont tenus à distance. Remplacés par de doucereux « aide active » ou « assistance médicalisée » à mourir. L’embellir n’enlève pas cette réalité : ce serait « le droit donné par la loi à quelqu’un d’en tuer un autre »[1].
Quelle peut-être cette liberté, quand sondages, reportages et autres médias-bavardages nous laissent bruyamment croire que nous n’aurions que deux options : souffrir indéfiniment ou mourir par injection létale. Il y a d’autres voies, bien sûr.
Quelle liberté pour ceux qui auront peur de devenir un poids pour leur entourage, quand toute la société leur enverra au visage qu’ils le sont devenus ? Car c’est bien ce regard collectif sur la fragilité qui va se brouiller ou se détourner, précisément et uniquement à cause de l’existence même d’une telle loi. Le contexte le montre : il suffit de se sentir exclu pour dépérir.
Cette pseudo liberté poussera d’abord les plus faibles à s’y résigner. On dira que c’est leur droit, c’est ce qu’ils veulent. Ensuite, même ceux qui ne le veulent pas y auront droit.
Et quelle liberté pour ceux qu’on contraindra à pratiquer ce geste ? Quelle peut être cette « Liberté qui s’exécute en s’exécutant, qui s’anéantit en s’accomplissant» s’indignent 70 médecins dans le Figaro[2]. D’autres nombreux soignants affirment avec force dans Le Monde[3] refuser d’être le bras armé de cette idéologie mortifère. On a envie de les applaudir.
Et on a envie de compléter cette célèbre devise « Guérir parfois, soulager souvent, soigner toujours » de ces deux mots : « tuer, jamais ».
La liberté, pour quoi faire ? C’est le titre d’un livre de Bernanos, on y lit que « La pire menace pour la liberté (…) c’est qu’on désapprenne de l’aimer, ou qu’on ne la comprenne plus ».
[1] Aurore Bergé, présidente déléguée du groupe LREM à l’Assemblée
[2] «Non, nous ne pourrons pas provoquer délibérément la mort»: la tribune des médecins qui s’opposent à l’euthanasie ». Tribune collective. Figarovox. 05/04/2021
[3] Loi sur la fin de vie : « Qui parle de l’écrasante majorité des personnes qui ne demandent pas à accélérer les choses ? » Le Monde, 8 avril 2021.