Publié le : 03/07/20
Tapie en embuscade depuis la première lecture du projet de loi bioéthique, la méthode Ropa (Réception d’ovules du partenaire) vient d’être adoptée par la commission spéciale de l’Assemblée nationale. Cette technique, qui concerne les couples de femmes et les personnes transgenres, se pratique déjà dans quelques cliniques privées à l’étranger, notamment en Espagne. Elle consiste à permettre à une femme d’avoir un enfant conçu par fécondation in vitro (FIV) avec, d’un côté, les ovocytes de sa compagne et, de l’autre, le sperme d’un donneur anonyme. Ainsi, l’une apporte l’ovule, l’autre porte l’enfant et accouche.
Une technique complexe et risquée
Alors même qu’est largement débattue l’ouverture de la « PMA pour toutes », qui donnera accès à l’insémination de sperme aux femmes seules ou en couples lesbiens, pourquoi légaliser ce protocole si compliqué ? Pourquoi s’enchaîner aux gestes techniques et coûteux d’une FIV, aux chances de succès bien inférieures aux inséminations ? Pourquoi faire subir à une femme le douloureux parcours de stimulation et de ponction ovariennes et à une autre le risque d’une grossesse pathologique ? En effet une grossesse avec don d’ovocytes présente plus de risques connus car la femme n’a génétiquement rien en commun avec le fœtus qu’elle porte. Les quelques députés qui plébiscitent cette pratique évoquent sa nécessité en cas de différence d’âge entre les deux femmes, par exemple. Ou encore, si celle qui désire être enceinte est infertile : pourquoi la mettre dans la file d’attente du don d’ovocyte, alors même que sa compagne pourrait lui en fournir ?
L’illusion de la double maternité
En réalité, cette méthode soulève de multiples enjeux et questions. Elle impose un « don dirigé » qui vient rompre le principe d’anonymat du don inscrit dans la loi, brouille la filiation et la notion même de maternité. Surtout, la Ropa va au-delà des transgressions du projet de loi bioéthique qui bouleverse déjà en profondeur les fondements biologiques et juridiques de la procréation humaine. Nous sommes hors du champ du texte initial dont toute la « philosophie » contestable, rabâchée depuis des mois, reposait sur le seul amour à donner à l’enfant, quel que soit son mode de procréation et même délibérément privé d’un de ses parents biologiques… Désormais, le désir de « partager la maternité » ne se limite plus au partage de la vie quotidienne : ce qu’offre la Ropa aux couples de femmes, c’est l’illusion de « faire un enfant ensemble ». Celle qui ne porte pas l’enfant ne reste pas simple spectatrice de la grossesse de sa compagne. Elle se sait « mère génétique » et s’attend donc à ce que l’enfant porte ses traits, lui ressemble. Elle peut considérer que cet enfant, attendu par une autre, est d’elle. Comme un père attend son enfant en contemplant sa compagne au ventre arrondi… C’est là tout l’artifice de cette technique : créer la « symbolique » d’avoir « eu besoin d’être deux » pour concevoir cet enfant, car leurs deux fonctions biologiques de reproduction ont été mises à contribution. C’est aussi une mainmise sur la filiation de l’enfant, une manière détournée d’imposer une nouvelle forme de « double maternité », rendue désormais incontestable, à ses enfants.
Le père inexistant
Transmettre ses gènes revêt ici une importance telle qu’elle aboutit à faire subir des traitements lourds à ces femmes, quand elles pourraient se contenter de l’insémination artificielle d’un donneur anonyme pour avoir un enfant. Nous voyons ici que l’importance des gènes est surdimensionnée du côté des deux femmes, et totalement niée en ce qui concerne le père. Le père biologique, apportant la moitié de son patrimoine génétique à l’enfant, est rendu inexistant. Quel paradoxe ! Nous sommes dans une stupéfiante « double pensée » orwellienne qu’impose ces nouvelles techniques procréatives. La volonté prime sur tout.
Y compris pour les personnes transgenres
Cette méthode ouvrirait aussi de manière détournée l’accès à la procréation assistée pour des personnes transgenres. Un homme transgenre pourrait utiliser ses ovocytes pour la conception d’un enfant qui serait portée par sa compagne. Une femme transgenre pourrait fournir son sperme pour la conception d’un enfant avec sa compagne. Dans ce domaine, nous sentons bien que les revendications seront illimitées, l’une alimentant l’autre, un domino après l’autre, si le législateur ne se ressaisit pas.
La Ropa sera-t-elle maintenue lors des débats dans l’hémicycle ? Soutenue par les députés de la majorité, le flou règne sur les intentions du nouveau gouvernement, même si en son temps, Agnès Buzyn s’y était opposée avec fermeté. Filiations brouillées, prix psychologique à payer par l’enfant, mépris des droits de l’enfant, supermarché de la procréation humaine qui se frotte les mains, petit pas de plus vers la GPA ? Avec la loi qui se dessine, nous sommes bien dans l’ère du « droit à la procréation sans sexe pour tous », promue par le rapporteur Jean-Louis Touraine. Ou plutôt, dans l’ère où on ne fabrique plus seulement artificiellement les enfants, mais désormais aussi, les parents…