FIGAROVOX/ENTRETIEN – Deux couples californiens désireux d’entreprendre une Fécondation In Vitro ont vu, par erreur, leurs embryons in vitro échangés par l’équipe médicale de la clinique. Ils l’ont découvert après la naissance des enfants. Blanche Streb examine avec délicatesse les faits et les questions qu’ils soulèvent.
FIGAROVOX. – Aux États-Unis, une femme a donné naissance à un enfant issu de l’embryon d’un autre couple sans le savoir. Quel regard portez-vous sur cette affaire ?
Blanche STREB. – Cette histoire est une tragédie moderne. On peine à imaginer ce que ces parents ont traversé en découvrant l’inconcevable. Parler de cet imbroglio est chose délicate car les mots justes n’existent pas. Par exemple, dire de cette petite fille qu’elle n’est finalement pas «la leur» sonne un peu faux. La femme l’a attendu, porté, mise au monde. Ils se sont occupés d’elle pendant plusieurs mois. La découverte qu’aucun lien génétique ne les relie ne fait pas disparaître ceux nés de la réalité du vécu.
Même si ces erreurs de manipulation sont rares, elles ne sont pas exceptionnelles. Inversions d’embryon ou dans les inséminations : comme dans tout domaine, le risque zéro n’existe pas ici. D’ailleurs, cela a pu se produire sans que ni parents, ni soignants, ne s’en rendent jamais compte. En France, en 2014, on recensait une quinzaine d’erreurs avérées sur les sept années précédentes. Devant la répétition de ces défaillances, l’Agence de la biomédecine avait créé un groupe de travail et publié des recommandations pour les centres de PMA.
Les deux couples victimes de cette erreur se sont rencontrés et ont finalement décidé de reprendre la garde de leur enfant génétique. Comment l’expliquez-vous ? Et qu’est-ce que cela dit de notre rapport à la parentalité ?
Que ces deux familles décident d’échanger leur enfant âgé d’un an est saisissant. Le besoin viscéral de se battre pour récupérer son enfant est aisément compréhensible, mais le prix à payer est impensable : abandonner cette petite fille qui partageait leur vie, celle que les autres enfants de la fratrie considéraient comme leur sœur de toujours…
Cette histoire met en lumière que le lien génétique, sans être «le tout» de la filiation, ne compte pas pour rien. Et c’est vrai dans les deux sens : pour les parents comme pour les enfants. C’est bien en réalisant les caractéristiques physiques inattendues de leur fille qu’ils ont fini par se résigner à faire des tests. Chaque parent cherche à déceler ses traits ou ceux de son conjoint dans le visage de son enfant. C’est naturel. Qui ne s’est jamais émerveillé en observant les ressemblances qui lient frères, sœurs, parents, grands-parents… ? Fascinante puissance de la génétique.
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